La grande prématurité
- Sep
- 17
- Posted by ILT
- Posted in Articles, Et si on parlait d'amour parental..., Et si on parlait de grande prématurité...
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La grande prématurité est un sujet qui me touche profondément, pour y avoir été confrontée de plein fouet, il y a presque huit ans aujourd’hui…
Mes jumeaux sont nés avec trois mois d’avance, soit à vingt-huit semaines d’aménorrhée (quarante et une semaines pour une grossesse classique).
Lorsque j’ai accouché en urgence par césarienne, j’étais bien incapable de savoir si je venais de donner la vie ou la mort… Ce sentiment effroyable, je ne souhaite à personne de le vivre. Mon fils, puis ma fille ont été « sortis » de mon ventre à deux minutes d’intervalle et ont été pris en charge immédiatement par l’équipe de réanimation. Impossible de les prendre dans mes bras et de leur dire combien mon amour pour eux était déjà immense. Je ne me suis jamais sentie aussi seule de toute ma vie… Mon mari, lui, était de l’autre côté de la porte du bloc, effondré et anéanti par cette peur tragique de perdre à la fois sa femme et ses deux enfants…
Je me vois encore allongée sur la table d’opération, nue comme un ver et habillée de mon immense chagrin, transpercée par « un sentiment de vide », un gigantesque vide dans mon ventre et dans mon cœur en pleurs…
À cet instant, je ne pensais qu’à une seule chose : voir mes bébés pour leur dire combien je les aimais et qu’ils devaient se battre pour vivre…
J’ai dû attendre plusieurs heures et lorsque les retrouvailles s’annoncèrent enfin, j’étais bouleversée par tant d’émotions : j’avais sous mes yeux deux petits êtres d’un kilo, chacun dans leur incubateur, intubés et reliés par de multiples fils à des machines qui les maintenaient en vie…
Mon mari et moi, nous ne connaissions pas cet univers si particulier.
De plus, Marie et Nathan étaient nos premiers enfants.
Difficile de se découvrir parents dans ces conditions…
Et pourtant, minute après minute, heure après heure, jour après jour, nous nous sommes battus tous les quatre, car nous voulions que la vie l’emporte sur la mort…
Nous avons eu cette chance d’être accompagnés et soutenus, dans la découverte de notre métier de parent, par une équipe médicale merveilleuse. Nous ne remercierons jamais assez le service de Néonatalogie du CHU d’Angers pour tous les soins prodigués à nos loulous.
Une fois que le diagnostic vital de nos jumeaux n’a plus été engagé, nous avons un peu « soufflé » avec mon mari, même si le risque infectieux ne nous a pas quittés durant de nombreux mois.
La question des éventuelles séquelles s’est posée indubitablement…
Nous étions bien conscients du « possible effrayant » portant le nom de « handicap », surtout que nous exercions tous les deux le métier d’éducateur spécialisé.
Malgré notre formation, nous avions très peur, « justement » parce que nous percevions déjà les grandes difficultés inhérentes à cette situation.
Après une semaine d’inquiétude pour notre fils, les résultats de l’IRM de son cerveau ont été des plus rassurants !
Ainsi, l’ombre du handicap s’est éloigné et nos deux enfants ont continué de tout faire pour nous rassurer. Cette aventure délicate a prouvé leur force, leur courage, leur volonté et nous a montré leurs nombreuses compétences de nouveaux-nés.
Nous ne pouvions qu’être extrêmement admiratifs et fiers de nos deux petits champions.
Les mois qui suivirent ne furent pas un long fleuve tranquille, mais à l’heure où je vous écris, nos deux amours, du haut de leurs sept ans et huit mois, illuminent notre vie tous les jours ! Ils respirent la santé et la joie de vivre !
Ainsi, je ne peux que réagir face au témoignage poignant de ce couple, parents d’un enfant âgé de deux semaines, qui dénonce un acharnement thérapeutique sur leur fils Titouan, né quatre mois avant terme et porteur d’un handicap important, suite à une hémorragie cérébrale.
Leurs propos m’ont simplement bouleversée, me renvoyant à ma propre histoire de parent ayant eu deux enfants grands prématurés. Je crois qu’il faut vraiment le vivre pour comprendre à quel point l’épreuve est extrêmement rude. Il y a huit ans, si l’équipe médicale nous avait annoncé qu’un de nos bébés, après avoir fait une hémorragie cérébrale, serait lourdement handicapé, je serais bien incapable de vous dire quelle décision nous aurions prise avec mon mari…
Aurions-nous souhaité l’arrêt des soins pour notre enfant ?
À l’inverse, nous serions-nous battus pour le maintenir en vie ?
Impossible à dire…
Il ne s’agit pas non plus de « lancer la pierre » au personnel soignant, comme j’ai pu le lire dans certains forums de discussion.
De leur côté, les équipes médicales s’appuient sur des décisions prises en réunions collégiales. Elles agissent en fonction de pratiques et de protocoles réglementés par une éthique. Elles prennent en compte les données cliniques de l’évolution des nouveaux-nés et l’avis des parents.
Dans le service de néonatalogie du CHU d’Angers, nous avons croisé la route de soignants admirables, bienveillants et à l’écoute de nos peurs et de nos besoins. Nos bébés ont toujours été respectés dans ce qu’ils étaient, rassurés lorsqu’il le fallait par la parole et des gestes de douceur…
Selon moi, nous n’avons pas à porter de jugement sur les parents de Titouan qui souffrent le martyre. Souhaitons-leur plutôt beaucoup de courage pour se relever de cette terrible épreuve de perdre un enfant… Titouan a existé et il restera dans leur cœur jusqu’à la fin de leur existence.
J’ai été aussi bouleversée par la lecture de témoignages de personnes qui accusaient ce couple de ne pas assumer leur rôle de parent.
Mais de quel droit peut-on juger de la sorte ?
N’est-ce pas, pour ces parents, la plus belle preuve d’amour qu’ils se sentent « capables » de donner à leur fils ? Dans ce cas où la lourdeur du handicap est avéré, ne souhaitent-ils pas simplement lui épargner une vie de souffrance ?
Dans les valeurs qui fondent mon existence et que je souhaite transmettre à mes enfants, il y a la tolérance et le non-jugement. Dans notre travail d’éducateur spécialisé, la mise en pratique de ces valeurs, auprès de parents en difficultés familiales, est bien réelle. Derrière des comportements maltraitants ou des conduites addictives, il y a toujours de la souffrance…
Essayons de comprendre au lieu de juger et le monde se portera un peu mieux…
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Ma chère zab, je me sens très émue à la lecture de cette partie affreuse de ta vie. Je me rappelle mon incapacité d’alors à t’apporter le soutien dont tu avais besoin. Et je le regrette encore.
Par contre tes propos sur le non-jugement me touchent et me rapprochent de toi car je partage ces valeurs, à savoir qu’on ne peut juger personne avant d’avoir vécu sa vie.
Bisous. A toi et tes « loulous »